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    Victor HUGO

    1802 - 1885

    Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine

    Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine ;

    Puisque j'ai dans tes mains posé mon front pâli ;

    Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine

    De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli ;

     

    Puisqu'il me fut donné de t'entendre me dire

    Les mots où se répand le coeur mystérieux ;

    Puisque j'ai vu pleurer, puisque j'ai vu sourire

    Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux ;

     

    Puisque j'ai vu briller sur ma tête ravie

    Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours ;

    Puisque j'ai vu tomber dans l'onde de ma vie

    Une feuille de rose arrachée à tes jours ;

     

    Je puis maintenant dire aux rapides années :

    - Passez ! passez toujours ! je n'ai plus à vieillir !

    Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées ;

    J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir !

     

    Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre

    Du vase où je m'abreuve et que j'ai bien rempli.

    Mon âme a plus de feu que vous n'avez de cendre !

    Mon coeur a plus d'amour que vous n'avez d'oubli !

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