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Par provence26 le 7 Septembre 2018 à 18:24
Les voix
N’y aurait-il alors que cette voix profonde
perçue jadis dans la forêt d’enfance
et le jardin d’amour et la rivière
et la seule maison vive dans la mémoire
où les femmes tissaient les mots de la légende
voix venue de temps immémoriaux,
passant de bouche en bouche
et qui, dans le brouillard, nommait les dieux,
car tout alors baignait dans l’absolue beauté
de leur présence.
Et ils couraient dans les moissons,
mangeaient le pain,
dormaient sur notre paille,
tendres et familiers.
C’est en musique désormais que leurs voix
et la voix des femmes se prolongent
et s’efforcent vers nous,
vers l’espérance de nos cœurs.
Et c’est alors qu’il faut saisir,
aimer, bercer cette parole
dans la naissance du poème.
Jean Joubert
Extrait du livre : « Les voix du poème »
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Par provence26 le 31 Août 2018 à 12:11
Le laboureur et le trésor
Un laboureur entend un bruit bizarre sous le soc de sa charrue.
Il va voir, et déterre un coffre rempli de pièces d'or.
Une fortune pour lui!
Il l'enterre au fond de son jardin. Qu'en faire?
Il imagine quantité d'achats possible et décide finalement… de ne rien décider.
Ce coffre de pièces d'or, ce trésor sera sa sécurité en cas de coup dur.
Et cette sécurité change son caractère : de tendu, le voilà relaxé, de grincheux il
devient aimable, d'intolérant il devient tolérant…
…Il vit une belle vie, heureuse, sachant que quoiqu'il lui arrive, il pourra faire face.
Sa dernière heure arrive.
Avant d'expirer, il réunit autour de lui ses enfants et leur livre son secret.
Puis il meurt.
Le lendemain, ils creusent à l'endroit indiqué, et trouvent le coffre, mais… il est
VIDE!
Le laboureur s'était fait voler son or des dizaines d'années auparavant!
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, dans notre vie courante, nous sommes en permanence hypnotisés.
Nous sommes hypnotisés par de fausses croyances, et nous nous comportons comme si elles étaient la réalité.
Le laboureur avait-il tort d’être heureux?
Certainement pas. Il aurait eu tort… d’être malheureux, tout comme ceux qui se croient incapables d'inspirer l'amour, de réussir ou de devenir riches.
Le champ de nos possibles est infini.
Et si ce laboureur s'était cru dépossédé parce que son coffre de pièces d'or avait disparu, aurait-il dû en être désespéré ?
Nous sommes tous riches.
Riches de potentialités extraordinaires.
Riches parce que nous sommes uniques.
Riches parce que nous vivons.
Souvent, je suis étonné par le désespoir de personnes qui manquent d'argent.
Elles se croient pauvres.
Je leur demande :
combien seriez-vous prêt à me vendre votre main gauche? Et votre main droite? Et votre jambe gauche? Bien souvent aucune somme ne serait suffisante pour payer tout cela.
Le simple fait de vivre est une richesse.
Le fait de voir des couleurs, la beauté de la nature est une richesse – demandez à un aveugle.
Le fait d'entendre les sons, leur harmonie comme leur discorde, de goûter le silence, d'être porté par la musique est une richesse – demandez à un sourd.
Le fait de pouvoir se déplacer, monter un escalier, sauter, courir est une richesse – demandez à une personne qui est en fauteuil roulant.
Le fait de pouvoir savourer les goûts, les saveurs, les nuances des aliments est une richesse – demandez à celui qui a perdu le goût.
Le fait de sentir, d'aimer, de rire, de manger, de toucher, de savoir lire et écrire, d'avoir chaud…
La liste de nos richesses quotidiennes, que nous oublions d'apprécier, tant nous sommes hypnotisés par d'autres préoccupations, est bien longue!
Nous avons tous, au fond de notre jardin intérieur, un trésor caché, qui vaut beaucoup plus que toutes les pièces d'or du monde…
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Par provence26 le 16 Août 2018 à 12:14
Dis-moi un mot, fais-moi un geste.
Dis-moi un mot, fais-moi un geste
Tu vois j'ai fait le premier pas
Bien sûr je n'ai pas dit « je t'aime »
Mais pourtant je chante pour toi
Parce qu' il y a dans ton sourire
Un monde que je ne connais pas
Et comme c'est trop peu de le dire
Je voudrais le vivre avec toi.
J'aimerais t'écrire des poèmes
Sur des mots que j'inventerais
Des mots plus forts que des « je t'aime »
Des mots que toi tu comprendrais
Puis me perdre dans ton regard
Me laisser aller au bonheur
Oublier s'il est tôt ou tard
Perdre toute notion de l'heure.
Dis-moi un mot, fais-moi un geste
C'est peu et beaucoup à la fois
Et si c'est tout ce qu'il nous reste
J'aurai quelques regrets, je crois
Et je garderai dans mes rêves
Le plus beau souvenir de toi
Où tu me dis du bout des lèvres
Tous ces mots que l'on dit tout bas.
Moi j'ai besoin d'aimer pour vivre
J'ai tant besoin de ton amour
Et pas seulement pour survivre
Mais pour exister au grand jour
Moi j'ai besoin de la tendresse
Que tu as jusqu'au bout des doigts
Pour échapper à ma détresse
Et reprendre confiance en moi
Dis-moi un mot, fais-moi un geste
Même si cela ne se fait pas
Dans cette vie qu'est-ce qu'il nous reste
De beau si l'on ne s'aime pas
Dans cette vie qu'est-ce qu'il nous reste
De beau si l'on ne s'aime pas
Pierre Coutreau - juillet 1987
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Par provence26 le 13 Juin 2018 à 17:28
Petit chant à la vie
Tous nous avons nos peines à porter,
Nos joies sont là pour nous envoler,
De petits riens qui forment un univers
De douceurs, tel un ciel de mers…
Un jour il n’y aura plus de guerre,
Un jour il n’y aura plus de haines,
Juste passion du cœur à apprivoiser,
Juste miel à faire couler dans du fer.
Tous nous avons à l’âme des peines,
Il faut les laisser cohabiter,
Exister, pour les petits bonheurs laisser
Entrer, pour d’étoiles à l’instant s’envoler
Les peines sont là pour s’exprimer,
Ont différentes formes d’existences,
Sur long chemin, sont les gouttes de rosée
A mieux nous faire apprécier le soleil
Les joies sont là tout simplement en séance,
Enrichies les Rosées qui s’en vont nourrir
Les graines de rêves, en émerveilles
Eclos sans mur, en fleurs vont s’ouvrir.
Un jour il n’y aura plus de mesquineries,
Plus de violence, plus de cris sourds sans espoir
D’entente, plus aucune larmes de sang souillées
Par des psychés déréglés, atteints de folies
Folie de ne savoir exister, raison noire…
Savoir bel amour laisser naître, s’embraser
Dans tous ses atours, laisser voir cette passion
Derrière notre miroir, voila ce qui importe
Folie de se perdre dans tout ce qui fait mal,
De solitude de l’âme en explosion…
Savoir passer murs, pas se perdre en dédale
D’apparence trompeuse, voila qui importe.
Tous nous avons nos peines à porter,
Nos joies sont là pour nous envoler,
De petits riens qui forment un univers
De douceurs, tel un ciel de mers…
Le « petit rien » c’est la coccinelle qui s’envole,
Papillon qui pose un instant sur corolle,
Une filante saluant le voyageur
Posé sur l’herbe, en repos pour l’heure
Le bonheur est tout cela, inextricable,
Bouillonnant et remuant, lumière ineffable,
Dirait celui d’amant souriant à la Vie :
Le bonheur c’est l’amour, pour moi c’est vous ma mie
Le bonheur est tout cela, inextricable,
Bouillonnant et remuant, lumière ineffable,
Bougeant sans cesse, pour père et mère, les enfants
D’amis à parents, sang de toutes les couleurs.
Le bonheur, c’est tout ce qui existe,
C’est vous, nature qui longe la piste,
Il faut juste nous y ouvrir, et accepter
Joies et peines, apprendre le tout à partager.
Il y a aura encore âmes, un jour j’espère,
Etres Humains, pour dire du coeur, grâce sur terre,
Il n’y a plus de guerres, plus de tueries,
Plus de violences sur autrui… « Juste » la vie…
© Pascal Lamachère
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Par provence26 le 3 Juin 2018 à 18:47
Vieux de la vieille
Théophile Gautier
Par l’ennui chassé de ma chambre,
J’errais le long du boulevard :
IL faisait un temps de décembre,
Vent froid, fine pluie et brouillard ;
Et là je vis, spectacle étrange,
Échappés du sombre séjour,
Sous la bruine et dans la fange,
Passer des spectres en plein jour.
Pourtant c’est la nuit que les ombres,
Par un clair de lune allemand,
Dans les vieilles tours en décombres,
Reviennent ordinairement ;
C’est la nuit que les Elfes sortent
Avec leur robe humide au bord,
Et sous les nénuphars emportent
Leur valseur de fatigue mort ;
C’est la nuit qu’a lieu la revue
Dans la ballade de Zedlitz,
Où l’Empereur, ombre entrevue,
Compte les ombres d’Austerlitz.
Mais des spectres près du Gymnase,
A deux pas des Variétés,
Sans brume ou linceul qui les gaze,
Des spectres mouillés et crottés !
Avec ses dents jaunes de tartre,
Son crâne de mousse verdi,
A Paris, boulevard Montmartre,
Mob se montrant en plein midi !
La chose vaut qu’on la regarde :
Trois fantômes de vieux grognards,
En uniformes de l’ex-garde,
Avec deux ombres de hussards !
On eût dit la lithographie
Où, dessinés par un rayon,
Les morts, que Raffet déifie,
Passent, criant : Napoléon !
Ce n’était pas les morts qu’éveille
Le son du nocturne tambour,
Mais bien quelques vieux de la vieille
Qui célébraient le grand retour.
Depuis la suprême bataille,
L’un a maigri, l’autre a grossi ;
L’habit jadis fait à leur taille,
Est trop grand ou trop rétréci.
Nobles lambeaux, défroque épique,
Saints haillons, qu’étoile une croix,
Dans leur ridicule héroïque
Plus beaux que des manteaux de rois !
Un plumet énervé palpite
Sur leur kolbach fauve et pelé ;
Près des trous de balle, la mite
A rongé leur dolman criblé ;
Leur culotte de peau trop large
Fait mille plis sur leur fémur ;
Leur sabre rouillé, lourde charge,
Creuse le sol et bat le mur ;
Ou bien un embonpoint grotesque,
Avec grand’peine boutonné,
Fait un poussah, dont on rit presque,
Du vieux héros tout chevronné.
Ne les raillez pas, camarade ;
Saluez plutôt chapeau bas
Ces Achilles d’une Iliade
Qu’Homère n’inventerait pas.
Respectez leur tête chenue !
Sur leur front par vingt cieux bronzé,
La cicatrice continue
Le sillon que l’âge a creusé.
Leur peau, bizarrement noircie,
Dit l’Égypte aux soleils brûlants ;
Et les neiges de la Russie
Poudrent encor leurs cheveux blancs.
Si leurs mains tremblent, c’est sans doute
Du froid de la Bérésina ;
Et s’ils boitent, c’est que la route
Est longue du Caire à Wilna ;
S’ils sont perclus, c’est qu’à la guerre
Les drapeaux étaient leurs seuls draps ;
Et si leur manche ne va guère,
C’est qu’un boulet a pris leur bras.
Ne nous moquons pas de ces hommes
Qu’en riant le gamin poursuit ;
Ils furent le jour dont nous sommes
Le soir et peut-être la nuit.
Quand on oublie, ils se souviennent !
Lancier rouge et grenadier bleu,
Au pied de la colonne, ils viennent
Comme à l’autel de leur seul dieu.
Là, fiers de leur longue souffrance,
Reconnaissants des maux subis,
Ils sentent le coeur de la France
Battre sous leurs pauvres habits.
Aussi les pleurs trempent le rire
En voyant ce saint carnaval,
Cette mascarade d’empire
Passer comme un matin de bal ;
Et l’aigle de la grande armée
Dans le ciel qu’emplit son essor,
Du fond d’une gloire enflammée,
Étend sur eux ses ailes d’or !
Théophile Gautier, Emaux et camées
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